Suite à la présentation l’été dernier d’une étude par un consortium de cardiologues, les titres outre-Atlantique étaient assez dithyrambiques : « La cigarette électronique n’a pas d’effet néfaste sur le cÅ“ur ». Voir par exemple les reprises par l’agence de presse Reuters, Bloomberg ou encore le Chicago Tribune pour ne cités qu’eux mais aussi le site spécialisé sur les questions cardiaque The Heart. Même si la presse aime le sensationnel et que le message n’est bien entendu pas aussi tranché, curieusement ces travaux ont eu assez peu de retentissement en France.
Cette étude présentée lors du Congrès annuel de la société européenne de cardiologie à Munich a été réalisée par les docteurs K. Farsalinos, D. Tsiapras, S. Kyrzopoulos, M. Savvopoulou, E. Avramidou, D. Vassilopoulou, V. Voudris du département de cardiologie du centre de chirurgie cardiaque d’Athènes.
Nous vous proposons à la fin de ce billet, une traduction de l’abstract de ces travaux. Mais puisque l’étude est assez technique, voici une vulgarisation des résultats de cette étude par un autre médecin :
Vulgarisation de l’étude de l’impact de la cigarette électronique sur le cœur
L’étude a porté sur un total de 58 volontaires, 28 fumeurs et 30 utilisateurs de cigarette électronique, ayant une moyenne d’âge d’environ 35 ans et étant en parfaite santé. Il est important de souligner un aspect : le groupe des utilisateurs de cigarette électronique avait un indice moyen Brinkman considérablement plus élevé que le groupe des fumeurs. L’indice de Brinkman est tout simplement obtenu en multipliant le nombre de cigarettes fumées par jour avec le nombre d’années de tabagisme. Il s’agit donc d’un indice du degré d’exposition à la fumée et permet en quelque sorte de distinguer ceux qui ont fumé le plus durant leur vie.
Chaque volontaire a subi une échographie du cÅ“ur après 4 heures d’abstinence complète de fumer. Le même test a été répété après avoir fumé une seule cigarette (groupe tabagisme) ou après avoir utilisé une cigarette électronique pendant 7 minutes (groupe cigarette électronique). Pour la cigarette électronique, un liquide pour cigarette électronique avec nicotine (11mg/ml) a été utilisé.
L’échographie du cÅ“ur (échocardiographie) est une méthode très sophistiquée et non invasive qui permet d’observer le cÅ“ur en se déplaçant de façon très détaillée dans toutes ses sections. Parmi les aspects étudiés avec cette technique, l’attention s’est focalisée sur la diastole, qui est le moment où le cÅ“ur se détend avant la prochaine contraction. Les premiers signes du dysfonctionnement cardiaque lié à l’âge se produisent généralement dans cette phase et sont détectables par échographie bien avant qu’ils ne commencent à donner des symptômes. Les mesures de plusieurs paramètres qui sont actuellement recommandées dans les examens ont été réalisées dans cette étude.
L’analyse a montré que les fumeurs, même s’ils sont jeunes et en bonne santé, ont développé d’importants changements dans la fonction diastolique après avoir fumé une cigarette de tabac. Cela a déjà été signalé par plusieurs études qui ont observé ce phénomène. Le fait intéressant est qu’aucune différence sur les paramètres n’a été observée chez les utilisateurs de cigarette électronique après l’avoir utilisée pendant 7 minutes.
Il est important de noter que dans cette étude des utilisateurs de cigarette électronique réguliers ont été examinés : ils ont utilisé la cigarette électronique pendant au moins un mois. Les utilisateurs de cigarettes électroniques dit expérimentés ont tendance à « vapoter » de manière plus intensive et cet aspect est souvent négligé dans de nombreuses études.
En bref, l’étude a montré qu’il y a quelque chose dans la fumée de cigarette qui porte atteinte à la fonction cardiaque à un niveau détectable et mesurable. Cela ne s’est pas produit dans le cas du « tabagisme électronique ». Bien sûr, ces modifications n’entraînent pas l’apparition de symptômes, mais ce dysfonctionnement infraclinique pourrait avoir des conséquences sanitaires importantes.
La voie est ouverte vers de nouvelles études
Cependant, au-delà du résultat exceptionnel, l’étude fournit également un exemple de ce que devrait être l’approche pour ceux qui veulent étudier la cigarette électronique. Il convient de souligner que l’étude de la cigarette électronique ne peut jamais être séparée de la comparaison avec la cigarette car la cigarette électronique n’est pas et ne doit pas être utilisée par des personnes n’ayant jamais fumé tant que son innocuité n’aura pas été démontrée.
Plusieurs projets de recherche ont déjà commencé ces derniers mois, et de nombreuses données et échantillons ont été collectés sur des volontaires ouvrant la voie à des études qui permettront de juger scientifiquement si oui ou non la cigarette électronique est une alternative parfaitement saine au tabac, et cela sans s’appuyer sur des préjugés ou de la désinformation.
Traduction de l’abstract de l’étude : « Effets aigus de l’utilisation d’une cigarette électronique sur la fonction myocardique : comparaison avec les effets des cigarettes classiques »
Objectif : Les propriétés addictives et les conséquences dévastatrices de la fumée de cigarette sur la santé humaine, y compris la fonction cardiaque sont bien connues. Ces dernières années, la cigarette électronique (e-cigarette), un dispositif qui permet de diffusé de la nicotine via un dispositif alimenté par une batterie qui a été commercialisé comme un appareil sans danger. Malgré le débat mondial sur son utilisation, aucune étude n’a examiné les conséquences de ce produit sur la fonction cardiaque. Le but de notre étude était d’évaluer les effets de l’utilisation de l’e-cigarette sur la fonction ventriculaire gauche du myocarde et de les comparer avec les effets des cigarettes classiques.
Méthodologie : Les participants étaient 42 volontaires sains (âge 25-45 ans): les ex-fumeurs qui utilisaient l’e-cigarette (groupe ecig, n = 22), et les fumeurs de cigarettes régulières (groupe SM, n = 20). Un examen échocardiographique complet a été réalisé dans les deux groupes après 3 heures d’abstinence d’alcool, de café, de cigarette électronique ou de cigarette classique (Ecig-1 et SM-1 respectivement). Une échocardiographie a été réalisée à plusieurs reprises chez les sujets Ecig après avoir utilisé une e-cigarette avec une concentration de nicotine de 11mg/ml pendant 7 minutes (Ecig-2). Chez les fumeurs, l’échocardiographie a été réalisée à plusieurs reprises après avoir fumé une cigarette (SM-2). Les paramètres suivants ont été mesurés : Doppler transmitral (MV-E et ondes MV-A, ratio E / A et temps de décélération-DT) et moyennes (latéraux, septales, antérieures et inférieures) Doppler tissulaire: vitesse déplacement anneau mitral (systolique: Sm, diastolique précoce: Em, diastolique tardive: Am) ont été mesurés. Le temps de relaxation isovolumique (IVRT) et l’indice de performance myocardique (MPI) du ventricule gauche.
Résultats : Les deux groupes avaient des caractéristiques similaires, échocardiographiques de base et les paramètres hémodynamiques. Les sujets du groupe Ecig ont cessé de fumer pendant 93 ± 65 jours et ont utilisé une cigarette électronique pendant 95 ± 64 jours, mais ils avaient un indice d’exposition à la fumée supérieur avec un indice de Brinkman (nombre de cigarettes quotidiennes X nombre d’années en tant que fumeur) de 533 ± 270 comparativement à 369 ± 150 en SM (p = 0,019). L’utilisation de la cigarette électronique pendant 7 minutes n’a entraîné aucune altération significative pour l’ensemble des paramètres échocardiographiques, à l’exception d’une légère augmentation de la MV-Une vague (p = 0,047). Au contraire, une diminution significative de la vitesse Em (p = 0,005) et Em / Am rapport (p = 0,001) et une augmentation de la IVRT (p = 0,032) et MPI (p = 0,01) ont été trouvés dans SM-2 par rapport à l’état initial.
Conclusions: Bien que le tabagisme régulier conduise à une altération aiguë de la fonction ventriculaire gauche, l’utilisation de l’e-cigarette pour inhaler de la nicotine n’exerce pas d’effets indésirables aigus sur la fonction cardiaque. Des recherches supplémentaires sont nécessaires de toute urgence car l’utilisation de l’e-cigarette est en constante augmentation et cela pourrait être une méthode potentiellement utile pour le sevrage tabagique.
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Mon collègue de travail, gros fumeur, en utilise une. Résultat, il ne fume plus de vrais cigarettes depuis une semaine. Cool.