Interdiction du tabac, taxes et cigarette électronique : un avenir en pointillé…

Tabac, argent et cigarette électronique

Tabac, argent et cigarette électronique

A l’heure où ces lignes sont écrites, le rapport sur la cigarette électronique demandé par la Ministre de la santé Marisol Touraine au Professeur Dautzenberg est certainement en cours de finalisation. Par ailleurs, on a récemment appris que l’application de la hausse de +5% du prix du paquet de cigarettes décidée fin 2012 et initialement prévue pour cet été serait probablement repoussée à l’automne 2013. L’Etat craindrait un effondrement du marché du tabac, lequel a perdu 10% en glissement annuel entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013 ce qui inquiète fort logiquement les buralistes. La relation de l’Etat avec le tabac n’a jamais été bien claire et les raisons profondes des politiques tarifaires sont toujours incertaines. Le but des hausses du prix du tabac serait la lutte contre le tabagisme et/ou le renflouement des caisses de l’Etat.  Aujourd’hui se pose la question de l’avenir de la cigarette électronique mais également celui du tabac dont les destins sont étroitement liés.

Et si on interdisait le tabac…

En France, le tabac est responsable de 66 000 décès par an, soit 1 mort sur 10. Si un nouveau produit était clairement identifié pour tuer ne serait ce que le quart, il serait certainement immédiatement interdit. Pour rappel, le médiator très décrié il y a peu a « seulement » toute proportion gardée, causé la mort de 1 300 personnes et l’hospitalisation de 3 100 autres entre 1976 et 2009 d’après le rapport d’expertise judiciaire.

Pourtant le tabac est toujours en vente dans l’hexagone et plus globalement dans le monde, à l’exception notable du Bhoutan.

Les raisons les plus souvent invoquées sont : le caractère liberticide d’une telle interdiction, la puissance du lobby du tabac et les pertes fiscales de l’Etat.

Cette dernière explication est probablement la plus souvent citée. Pourtant elle est en partie infondée comme l’a notamment mis en évidence l’article « les drogues sont-elles bénéfiques pour la France ? » de Pierre Kopp et Philippe Fenoglio paru en 2011 dans la Revue Economique. Les auteurs font des estimations en euro de l’impact des drogues illicites, de l’alcool et du tabac sur l’économie française. Pour cela, des données des années 2000 ont été utilisées en prenant en compte tous les effets en jeu : taxe, emploi, santé…

…un gain net de 14 milliards d’euros

Les coûts externes sur l’économie du tabac intégrant les pertes de revenus engendrées par les décès et les hospitalisations (-7,7 Mds€) et les pertes de production des entreprises (-18 Mds€) sont de l’ordre de 25,7 milliards d’euros (pour information c’est 26,8 mds€ pour l’alcool).

Taxe cigarette

Le tabac coûte  4 milliards d’euros aux finances publiques

Sur les finances publiques, contrairement à certains a priori,  l’impact est très nettement négatif puisque le tabac coûte 4 milliards d’euros aux finances publiques. Les taxes sur le tabac (+9,8 Mds€), les retraites non versées du fait de décès prématurés (+7,5 Mds€) et les dépenses de santé non affectées du fait de décès prématurés (+0,7 Mds€) ne compensent pas les dépenses publiques de soins (-18,2 Mds€), les impôts non encaissés du fait des décès (-3,7 Mds€) et les dépenses de prévention et de recherche -0,06 Mds€). Notons au passage que l’alcool a par contre un impact positif sur les finances publiques (+4,8 Mds€) du fait d’un impact sur les dépenses de santé bien moindre.

Au final, le tabac est négatif pour l’économie et pour les finances publiques. Dès lors une solution alternative au tabac qui aurait des conséquences sanitaires favorables serait très positive. La cigarette électronique pourrait jouer ce rôle si le fumeur est prêt à substituer le tabac par la cigarette électronique puisqu’il est admis par quasiment tous les scientifiques qu’elle est moins nocive que le tabac.

Taxer la cigarette électronique : est-ce vraiment sérieux ?

Déjà il est important de rappeler que la cigarette électronique est déjà taxée à 19,6%.

Ensuite pourquoi taxer la cigarette électronique ? La taxation d’un produit doit répondre à un objectif de politique publique. Or il est délicat d’en trouver un ici. Autant les taxes sur les cigarettes correspondent à une logique puisqu’elles permettent de rééquilibrer le comportement à risque des fumeurs qui est finalement payé par l’ensemble de la population en dépenses de santé notamment…De plus les taxes sur le tabac sont un potentiel levier de désincitation au tabagisme.

Globalement dans la théorie économique au delà d’un effet redistributif, les taxes sur un produit doivent être fixées pour permettre de compenser l’ensemble des externalités négatives de son utilisation. Or quels sont les effets négatifs de la cigarette électronique ? Aider potentiellement des fumeurs à arrêter de ou à fumer moins ? A passer sur un dispositif jugé moins nocif par l’ensemble de la communauté scientifique ? Certains chercheront une justification du fait que les liquides de cigarette électronique peuvent contenir de la nicotine potentiellement addictive (même si ce point n’est pas clair, voir l’article « A la recherche du hit perdu« ) mais d’autres substances sont jugées addictives sans être surtaxées. Il y aurait sur ce point clairement deux poids de mesures. L’Etat pourrait être attaqué par des associations de consommateurs et se retrouver au centre d’un scandale sanitaire si des études montraient qu’une telle politique tue ou plutôt ne sauve pas des vies.

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Sylvain Filatriau

3 réflexions au sujet de « Interdiction du tabac, taxes et cigarette électronique : un avenir en pointillé… »

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