Le nombre d’utilisateurs de cigarettes électroniques étant en forte hausse on assiste de plus en plus à des situations de conflit au sein des entreprises, des lieux publics et même parfois au sein de la sphère familiale. Les médias ont largement répandu certaines informations infondées (voir la polémique de 60 millions de consommateurs) qui ont semé le trouble chez de nombreux consommateurs et leur entourage. Les effets ont même pu être catastrophiques car certains ont répandu la rumeur que la ecigarette serait plus nocive que le tabac. Toutes les études scientifiques vont à l’encontre de cela mais les a priori et les rumeurs sont tenaces. Je ne dis bien entendu pas que la cigarette électronique est totalement inoffensive. Ce n’est pas non plus ce que disent les études, mais tout concorde pour dire qu’elle est très nettement moins nocive que la cigarette classique. Ainsi si un fumeur raisonne en différentiel par rapport à son addiction au tabac, il est certain que passer à la cigarette électronique sera positif, n’en déplaise à ses proches qui ont vaguement entendu à la télévision le contraire. Dans tous les cas, le fumeurs pourra avoir le dernier mot. C’est sa liberté de choisir. Par contre un sujet plus épineux est arrivé sur la table, celui du vapotage passif. Depuis la loi interdisant de fumer dans les lieux publics la population a été sensibilisé au tabagisme passif. Le geste de vapoter, similaire à celui de fumer est donc associé à quelque chose de négatif. Mais est-ce véritablement nocif ? Pour répondre à cette interrogation bien légitime, je vous propose une traduction du passage sur le vapotage passif de la méta-étude publiée récemment dans Therapeutic Advances in Drug Safety.
Pour en savoir plus sur les effets de la ecigarette sur la santé, je vous invite à aller lire les différents sujets traités dans cette étude qui fait la synthèse de plus de 100 travaux scientifiques :
– Introduction et méthodologie (épisode 1),
– Nicotine, cigarette électronique et dépendance (épisode 2),
- Les études sur la composition chimique des produits (épisode 3),
– Les études toxicologiques (épisode 4),
– Les études cliniques et les enquêtes (épisode 5),
- Tabagisme et vapotage passif (épisode 6 = l’article que vous êtes en train de lire),
- Risques de la ecigarette : tabagisme des jeunes, intoxication à la nicotine, explosion (épisode 7),
- La cigarette électronique : positive pour certaines pathologies ? (épisode 8).
– Synthèse et conclusion de la revue de littérature sur la ecigarette (épisode 9).
L’intégralité de l’étude est disponible en anglais sur le site en téléchargement : Safety evaluation and risk assessment of electronic cigarettes as tobacco cigarette substitutes: a systematic review.
Le tabagisme passif est un facteur de risque établi pour un certain nombre de maladies [ Barnoya et Navas- Acien,2013]. Par conséquent, il est important d’un point de vue sanitaire d’examiner l’impact de l’utilisation de la cigarette électronique sur l’entourage.
Des données indirectes peuvent être obtenues à partir des études sur la composition chimique de la vapeur des produits [voir Les études sur la composition chimique des produits (épisode 3)] ce qui montre que le potentiel effet négatif sur l’entourage du vapoteur est minime. En fait, étant donné que l’exposition à la vapeur secondaire est inexistante avec la cigarette électronique (la vapeur est produite uniquement lors de l’activation du dispositif, tandis que les cigarettes classiques émettent de la fumée même si aucune bouffées n’est prise), ces études surestiment sans aucun doute le risque du vapotage passif.
Peu d’études ont porté sur le vapotage secondaire McAuley et ses collègues [ McAuley et al. 2012], bien qu’ils mentionnent la qualité de l’air intérieur dans le titre de leur étude et trouve un impact minime pour la santé, n’ont pas mené une véritable évaluation du vapotage secondaire puisque la vapeur a été produite à partir d’une e-cigarette sans être au préalable inhalée par un utilisateur primaire. En outre, il y avait des problèmes de contamination croisée avec la fumée du tabac, ce qui fait que certains résultats sont douteux, au moins pour certains des paramètres testés.
Schripp et ses collègues [Schripp et al.2013] ont évalué les émissions d’une cigarette électronique en demandant à des volontaires d’utiliser trois dispositifs différents de cigarette électronique dans une chambre fermée de 8 m3. Sur la sélection des 20 produits chimiques analysés, seuls le formaldéhyde, l’acroléine, l’isoprène, l’acétaldéhyde et l’acide acétique ont été détectés. Les concentrations étaient de 5 à 40 fois plus faibles comparativement à des émissions de cigarette classique. Pour le formaldéhyde, les auteurs ont notamment mentionné que les niveaux avaient constamment augmenté à partir du moment ou le volontaire était entré dans la salle, avant même qu’il ait commencé à utiliser la cigarette électronique. En outre, aucune élévation brutale n’a été observée lorsque le fumeur a utilisé les trois dispositifs de cigarette électronique, contrairement à la forte élévation lorsque la cigarette classique a été allumée. Les auteurs ont conclu que le formaldéhyde n’était pas émis par la cigarette électronique mais était lié à une contamination humaine, car de faibles quantités de formaldéhyde d’origine endogène peuvent être trouvées dans l’air expiré[ Riess et al. 2010].
Romagna et ses collègues [ Romagna et al. 2012] ont étudié les produits chimiques libérés dans un cadre réaliste d’une pièce de 60 m3, en demandant à cinq fumeurs de fumer ad lib pendant 5 heures et à 5 vapoteurs d’utiliser la cigarette électronique ad lib pendant la même durée sur deux jours distincts. La nicotine, l’acroléine, le toluène, le xylene et les hydrocarbures aromatiques ont été détectés dans l’air ambiant après la session des fumeurs, avec une quantité de carbone organique total (COT) atteignant 6,66 mg/m3. A contrario, après la session de cigarette électronique, seul du glycérol était détecté à des niveaux minimes (72 g/m3 ), tandis que le COT atteignait un niveau maximal de 0,73 mg/m3. De façon caractéristique, la quantité de COT accumulé après 5 heures d’utilisation de la cigarette électronique était semblable à la quantité trouvée après seulement 11 minutes de tabagisme.
L’étude sur les métaux lourds [ Williams et al. 2013] pourrait également être utilisée pour examiner tout risque potentiel d’exposition des personnes à des métaux toxiques. Les concentrations de métaux lourds trouvés dans la vapeur étaient minimes, et compte tenu de la dispersion de ces molécules dans l’ensemble de l’air ambiant, il est peu probable que l’un de ces métaux puisse être présent en quantités mesurable dans l’environnement. Par conséquent, le risque pour l’entourage du vapoteur est littéralement inexistant.
Contrairement à cela, Schober et ses collègues [ Schober et al. 2013] ont trouvé que les niveaux d’aluminium ont été multiplié par 2,4 dans une salle de 45m3 dans laquelle on avait demandé à des volontaires d’utiliser des cigarettes électroniques pendant 2 heures. C’est une conclusion très inattendue qui n’est pas validée par les résultats de l’étude de Williams et ses collaborateurs [ Williams et al. 2013] ; parce que les niveaux trouvés dans l’étude ne pourraient pas résulter d’une telle élévation des concentrations dans l’environnement de l’aluminium, à moins que rien ne soit retenu ou absorbé par les poumons. En outre, Schober et ses collègues [ Schober et al. 2013] ont trouvé que les niveaux d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ont augmenté de 20 % après l’utilisation de la cigarette électronique. Cependant, le grand problème méthodologique de cette étude est que le contrôle des mesures environnementales a été effectué un jour différent de celui de l’utilisation de la cigarette électronique. Ceci est une limitation importante, parce que les niveaux de HAP dans l’environnement ont des variations diurne et d’un jour à l’autre importante [ Ravindra et al. 2008] ; Par conséquent, il est hautement probable que les différences dans les niveaux de HAP ( qui sont essentiellement des produits de combustion et qu’on ne s’attend pas à voir émis avec l’utilisation de la ecigarette) proviennent de changements dus aux conditions de l’environnement et non pas à l’utilisation de la e-cigarette.
Bertholon et ses collègues [Bertholon et al. 2013] ont examiné la vapeur de e-cigarette expirée par un utilisateur, en la comparant avec la fumée expirée par un fumeur. Les auteurs ont constaté que le diamètre des particules était de 0,29-0.033 μm. Ils ont observé que la demi-vie de la vapeur de cigarette électronique était de 11 secondes contre 20 minutes pour la fumée de cigarette, ce qui indique que le risque d’exposition au vapotage passif était nettement plus bas que le risque d’exposition au tabagisme passif.
Les résultats récents de Czogala et de ses collègues [ Czogala et al. 2013] ont conduit à des conclusions similaires. Les auteurs ont comparé les émissions de ecigarette avec celles de cigarettes classiques générées par 2 utilisateurs expérimentés dans une salle ventilée et ont constaté que les cigarettes électroniques émettaient des quantités détectables de nicotine ( en fonction de la marque de cigarette électronique testée), mais pas de monoxyde de carbone et pas de carbones organiques volatiles. Cependant, la niveau ambiant moyen de nicotine pour la cigarette électronique étaient 10 fois plus faible que celui des cigarettes ordinaires ( 3,32 ± 2,49 contre 31,60 ± 6,91 g/m3 ). Dans son étude et après comparaison avec les seuils limite d’expostition, Burstyn a constaté que les émissions de ecigarette dans l’environnement ne devraient pas poser de risque mesurable pour l’entourage [ Burstyn, 2014 ].
Une question doit être clarifiée concernant les conclusions sur les microparticules émises par les e-cigarette. Dans la plupart des études, ces résultats sont présentés d’une façon qui implique que le risque sur les microparticules est similaire à celui des fumeurs. En réalité, ce n’est pas seulement la taille, mais la composition des microparticules qui est importante. Les microparticules de l’environnement sont principalement faites de carbone, de métal, d’acide et de microparticules organiques,dont beaucoup résultent de la combustion et sont appelées communément particules fines. L’exposition à ces particules fines est associée au cancer du poumon et aux maladies cardiovasculaires [ Peters, 2005 ; Seaton et al. 1995 ]. Dans le cas de la cigarette électronique, les microparticules sont principalement constituées de propylène glycol, de gouttelettes de glycérol, d’eau et de nicotine. Des métaux et des nanoparticules de silice peuvent également être présentes [Williams et al. 2013], mais, en général, les émissions de cigarette électronique ne sont pas comparables aux particules fines ou microparticules de fumée du tabac.
Flouris et ses collègues [ Flouris et al. 2013] ont réalisé la seule étude clinique évaluant l’effet du vapotage passif sur l’appareil respiratoire par rapport au tabagisme passif. Les chercheurs ont constaté un impact défavorablement significatif sur les paramètres de spirométrie après l’exposition passive à la fumée du tabac pendant 1 heure alors qu’aucun effet indésirable n’a été observé après l’exposition à la vapeur de ecigarette.
Bien que l’évaluation des effets du vapotage passif exige la poursuite de travaux, à partir des preuves existantes sur l’exposition environnementale et les analyses chimiques de la vapeur, il est raisonnable de conclure que les effets de la ecigarette sur l’entourage des vapoteurs sont minimes par rapport aux cigarettes classiques.
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