Dans le cadre de la loi Santé, l’Assemblée Nationale a adopté, ces 18 mars et 19 mars, des amendements, notamment les AS1404 et AS1413, qui vont restreindre fortement l’usage et surtout la communication sur la cigarette électronique. Des amendements qui vont bien au-delà de la directive anti-tabac (TPD), que la France devait adopter avant mai 2016.
Ce mercredi 18 mars 2015 restera un jour noir dans l’histoire de la cigarette électronique en France.
Le Plan National de Réduction du tabagisme avait prévu et annoncé des mesures concernant la cigarette électronique. Certaines mesures de bon sens, mais d’autres, excessives.
Que dit cet amendement AS1404?
Voici l’exposé de cet amendement, tel que mentionné sur le site de l’Assemblée Nationale :
La directive n° 2014/40/UE du 3 avril 2014 relative aux produits du tabac et aux produits connexes prévoit dans le cinquième point de son article 20 l’interdiction dans la majorité des médias (radio, télévision, internet, presse, parrainage) de la publicité directe et indirecte pour les dispositifs électroniques de vapotage et les flacons de recharge qui leur sont associés qui contiennent de la nicotine. Seul le support de l’ « affichage », en ce qu’il relève de la seule compétence des Etats membres, et les supports destinés aux organisations professionnelles concernées, en ce qu’elles sont nécessaires à l’exercice de ce commerce et n’ont pas d’impact sur le grand public, ne sont pas concernés par ce texte européen. En outre, la publicité reste autorisée à l’intérieur des points de vente.
Le présent amendement a pour objet d’interdire la publicité pour ces produits conformément à la directive 2014/40/UE. Toutefois, afin que le dispositif soit cohérent, la publicité par affichage est ajoutée aux supports publicitaires concernés par l’interdiction, et le champ de l’interdiction est également élargi aux dispositifs électroniques de vapotage et aux flacons de recharge qui ne contiennent pas de la nicotine.
Qu’est-ce que cela signifie?
Pour bien comprendre les effets de cet amendement, il convient déjà de rappeler ce que précise l’article 20 de la directive 2014/40/UE (ou directive anti-tabac, TPD), que doit appliquer la France avant mai 2016.
Voici l’extrait de cette directive, article 20, point 5.
Les états membres veillent à ce que :
a) les communications commerciales dans les services de la société de l’information, dans la presse et dans d’autres publications imprimées, qui ont pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge, soient interdites, à l’exception des publications destinées exclusivement aux professionnels du commerce des cigarettes électroniques ou des flacons de recharge et des publications imprimées et éditées dans des pays tiers et non principalement destinées au marché de l’Union;
b) les communications commerciales à la radio, qui ont pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électronique et les flacons de recharge, soient interdites;
c) toute forme de contribution publique ou privée à des programmes de radio ayant pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge soit interdite;
d) toute forme de contribution publique ou privée à un événement, à une activité ou en faveur d’un individu ayant pour but ou pour effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge et concernant plusieurs États membres ou se déroulant dans plusieurs États membres ou ayant d’autres effets transfrontaliers soit interdite;
e) les communications audiovisuelles commerciales relevant de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil (1) soient interdites pour les cigarettes électroniques et les flacons de recharge.
Concrètement, cette directive européenne restreint fortement la publicité des e-cigarettes et e-liquides, notamment dans le domaine audiovisuel et presse papier.
Le champ de l’Internet n’est pas concerné par ce texte.
Qu’est-ce que l’amendement AS1404 change?
Pour résumer, l’amendement AS1404 propose de rajouter à ce texte la notion d’affichage, sans autre précision. Une notion, un mot d’apparence anodine, mais qui change tout !
Ce mot « affichage »Â rajoute au champ d’application de la TPD (directive anti-tabac) entre autre, le web, et implique tous les supports de communication.
Sont par conséquent théoriquement concernés : forums, blogs, réseaux sociaux, affiches promotionnelles pour salons d’ecigarettes, sponsoring. Toute promotion sur « support d’affichage » sera donc interdite.
En réalité, ne restera autorisée que la communication web envers les professionnels, la publicité sur points de vente, et toute communication qui serait hébergée hors de l’Union Européenne.
Quid de l’amendement AS1413?
Cet amendement, adopté le 19 mars 2015, a moins réservé de surprise: depuis la présentation du Plan National de Réduction du Tabac le 24 février dernier, la communauté de la vape s’y attendait, avec le mince espoir de le voir rejeté.
Néanmoins, cet amendement assimilera toujours plus, dans l’esprit d’une majorité des personnes, tabagisme et vapotage, ce qui est critiquable. Cet amendement prévoit d’étendre l’interdiction de vapoter dans certains lieux publics, ou espaces de travail fermés. Pourquoi?
Citons le texte de l’amendement:
Il ne s’agit pas ici de protéger la population d’un « vapotage passif », ce phénomène n’étant pas avéré en l’état des connaissances scientifiques. Cette réglementation a plutôt vocation à clarifier la situation de cette pratique au niveau national et à maintenir l’acceptation sociale de l’interdiction de fumer dans les lieux publics« .
Chacun fera sa propre opinion sur la pertinence du paragraphe précédent … où il est écrit noir sur blanc que l’interdiction de la vape n’a un sens que pour maintenir l’interdiction du tabac! Un pied d’égalité entre cigarette classique et cigarette électronique qui entretient toujours plus la confusion.
Mais en réalité, cet amendement va encore plus complexifier la loi actuelle, et les règlements d’entreprise.
Aussi, ce même amendement prévoit :
« Afin que cette interdiction ne soit pas disproportionnée et opérationnelle, il conviendra de définir […] les obligations afférant aux lieux dédiés au vapotage. Ces derniers doivent être distincts des éventuels fumoirs, pour ne pas que les vapoteurs, majoritairement anciens fumeurs, soient victimes de tabagisme passif et soient encouragés à reprendre une consommation de tabac. Compte tenu de l’absence de vapotage passif avéré, les lieux dédiés au vapotage devront se borner à une simple délimitation géographique et ne nécessiteront pas les mêmes contraintes que celles applicables aux fumoirs (taille, ventilation…). »
En clair, il reviendra à chaque entreprise de définir les lieux dédiés au vapotage, avec, peut-être, une mise aux normes impérative de certains locaux, sous peine que fumeurs et vapoteurs se retrouvent en extérieur, avec le risque évident de tabagisme passif pour ces vapoteurs. Il s’agira d’une complexité supplémentaire pour chaque entreprise et administration de notre pays… Pour les employés, un découragement certain pour migrer de la cigarette traditionnelle à l’e-cigarette.
En définitive, cette série d’amendements, pour l’essentiel une transposition de directives européennes en droit français, va bien plus loin que ce que prévoyait l’Union Européenne. L’exemple le plus frappant est la future interdiction d’affichage, qui rentrera en vigueur en mai 2016.
Quels recours reste-t-il contre ces amendements?
D’abord, tous ces amendements se rajoutent à la loi Santé, présentée par Marisol Touraine. Aussi, si en avril cette loi cadre était rejetée en bloc par les députés (ce qui est, politiquement, assez peu probable), l’application de ces amendements resterait lettre morte.
Toutefois, l’article 20 de la directive européenne sur les produits du tabac (TPD), restreignant l’usage de la cigarette électronique, s’appliquera au plus tard en mai 2016.
Nous pouvons aussi espérer qu’un nouvel amendement soit déposé et adopté, qui débriderait à nouveau la communication web, et un autre amendement qui repréciserait la liberté de vape dans les entreprises sauf mention contraire. Tant que la loi Santé n’est pas votée, il n’est pas encore trop tard.
Pour cela, une mobilisation générale doit être entendue.
Une pétition circule à ce sujet, que nous vous invitons à la signer: http://www.change.org/p/assembl%C3%A9e-nationale-retrait-de-l-amendement-n-as1404?
Ca sera aux rôles de l’Aiduce, de la Fivape, ou du Synapce, de défendre les droits des vapoteurs et des professionnels de la vape, et d’obtenir un adoucissement de telles mesures, qui seraient dramatiques pour tout le secteur de la cigarette électronique et dans la promotion de ce que cet objet permet en réduction des risques sanitaires pour les anciens fumeurs.